Nicolas Machiavel est italien. Mais d’abord Florentin. Florence, c’est le berceau de la langue italienne, terre natale du célèbre Dante Alighierie. C’est en prison en 1513, après la chute de la République de Florence en 1512, qu’il rédigea Le Prince. C’était son chant du cygne qui sera publié à titre posthume en 1532.
Le prince, c’est une bible de la politologie. Un traité politique parmi les plus influents et les plus contestés de tous les temps. Il confère à son concepteur la paternité de la science politique.
Il y décrit, à l’intention des rois, des princes, des chefs d’État, les stratégies de la sauvegarde du pouvoir politique envers et contre tous et par tous les moyens possibles. Mais à une période où les États italiens du Moyen Âge et de la Renaissance étaient soumis aux guerres civiles, aux troubles sociaux récurrents et aux invasions étrangères.
Alors une seule question préoccupe Machiavel: comment prendre le pouvoir et le garder ? « S’éloigner, propose-t-il, des principes moraux, des idéaux chevaleresques qui dominent la sphère politique de l’époque médiévale et de la Renaissance. » Selon lui, ce ne sont pas les lois qui permettent de conserver le pouvoir, mais la force. Tel que cela résonne également mais avec beaucoup plus de nuance, chez le philosophe anglais Thomas Hobbes dans sa théorie de l’état de nature qu’il développe dans son Léviathan.
« Il y a, écrit l’auteur du Prince, deux manières de combattre: l’une avec les lois; l’autre avec la force. La première est celle des hommes; la seconde celle des bêtes. Mais comme très souvent la première ne suffit pas, il est besoin de recourir à la seconde. »
Ainsi le Machiavélisme est-il une philosophie, une pratique de gouvernance politique sans scrupule, sans moralité, guidée simplement par le cynisme, la mauvaise foi, la supercherie, la fourbe et la perfidie et où seule la fin justifie les moyens. La conquête du pouvoir et sa conservation y sont donc les principales motivations.
Le machiavélisme, après six siècles environ, oriente encore les actions politiques, géopolitiques, géostratégiques des nations dites les plus civilisées au monde. En attestent tous ces conflits armés qui retiennent les peuples sur le qui-vive: La Russie et l’Occident (l’Ukraine); l’Occident (Israël) et la Palestine (Gaza).
Pour ce qui nous concerne, l’histoire des pouvoirs politiques en Haïti s’assimile quasiment à une application parfaite du Machaivelisme. Mais de tout temps, les théories de Machiavel n’ont jamais été appliquées avec autant de Machiavélisme qu’elles le sont dans l’Haïti de 2024 où la torture et les assassinats de masse ne sont que des formalités pour renforcer la peur et museler les envies de révolte.
Si ce n’est du Machiavélisme dans son application pure forme, comment nommer l’acte d’exécuter quelqu’un, de hacher son cadavre et l’exposer à tous? Comment expliquer autant d’intrigues malsaines et sordides pour se procurer un peu de pouvoir?
On comprendrait dans la pire des situations le rapt contre rançon, les assassinats politiques, les meurtres motivés par l’idée de vengeance, par une idéologie religieuse, politique, la défense d’intérêts quelconque. On comprendrait également des querelles d’idées, de projets de construction, de stabilité avec leurs divergences mais qui viseraient tous la collectivité prise sans exclusive.
Mais comment nommer le fait de violer, de massacrer des gens paisibles qui acceptent pourtant leur misère sans trop se plaindre et qui ne nuisent nullement aux scélérats, tant du pouvoir que dans les charniers? Comment comprendre que tout ce qui se fait de tordu le soit en leur nom?
Si ce n’est un Machiavélisme destiné à décimer ces masses populaires haïtiennes, à vider Haïti de son énergie vitale, comment donc nommer la persistance de ces hommes et de ces femmes à vouloir s’accrocher au pouvoir comme si leur vie en dépendait, et comment expliquer ce désir maladif d’autres à vouloir y accéder à tout prix?
Pourquoi méprisent-ils la vie? Pourquoi n’éprouvent-ils aucune empathie, aucune commisération pour ces malheureux, obligés de s’enfuir de leur demeure, dormant par milliers dans ces abris provisoires de fortune où tout manque cruellement.
Quelle est cette finalité qui vaille tout ça? Qu’est-ce qui peut justifier une telle âpreté? Il est évident que le Florentin lui-même s’indignerait face à tant d’atrocités ici comme ailleurs.
Jackson Joseph pour la nouvelle Haïti 🇭🇹